A31bis: «Il y a urgence, la situation ne peut plus durer!»
Photo: Maurice Fick
Publié le vendredi 17 avril 2015 à 13:26
PAR MAURICE FICK
L'opportunité même du projet global de l'A31bis n'a pas été mise en cause. C'est davantage l'urgence de trouver une sortie à «une situation qui ne peut plus durer sur l'A31» qui a été soulevée à Metz, jeudi soir, lors du débat public lancé sur le projet d'A31bis à Metz-Congrès. Il a été question de péage et de nuisances sonores évidemment, de financement européen, de l'idée du monorail, de résistance populaire, et souvent... du Luxembourg.
«On ne peut pas attendre dix ans!», lance au micro Benoît Vital, qui fait tous les jours la route de Metz à Luxembourg depuis 2001. Dix ans, c'est le temps minimum qu'il faudra à l'Etat français pour concrétiser le projet d'A31bis à la double condition qu'il le décide fin 2015 et que soit validé le scénario d'une «concession étendue» rendant l'A31 payante de Fameck à la frontière luxembourgeoise notamment.
«Si on ne fait rien, on va avoir une sclérose de cette autoroute. Il faut faire quelque chose maintenant», pose Benoît Vital, en assurant qu'il a «de plus en plus de mal à recruter des gens qui viennent de France» pour travailler au Grand-Duché.
Aux yeux de Dominique Gros, «c'est une affaire très urgente. Il faut que ça bouge, qu'on en sorte. La situation ne peut plus durer!» Et au maire de Metz de glisser à l'assistance formée de plus de 250 frontaliers, riverains, représentants associatifs et politiques: «Peut-être même que le Luxembourg pensera à nous vouloir du bien comme il l'a fait en participant au financement de la ligne à grande vitesse...»
«L'A31 était un atout qui est en train de devenir un boulet»
Le maire de Metz, comme nombre d'élus mosellans de premier rang venus assister au débat public à Metz-Congrès, applaudissent l'intervention d'une Commission particulière du débat public (CPDP) pour réfléchir ensemble au projet d'A31bis et affichent un constat unanime: «Cette autoroute est déjà congestionnée. L'A31 était un atout qui est en train de devenir un boulet», comme le résume Jean-Luc Bohl, président de la communauté d'agglomération de Metz Métropole.
Près de 250 personnes sont venues jeudi soir à Metz-Congrès. Combien seront-elles le jeudi 21 mai au Théâtre municipal de Thionville?
Photo: Maurice Fick
Le projet futuriste suggéré par Yves Clément de l'association Ucirouthe - Usagers et citoyens de la route, de «construire un monorail au-dessus de l'autoroute» entre Thionville et Luxembourg, ne présente, en réalité, «pas une alternative plus intéressante que le TER». Et puis, «ce n'est pas une hypothèse qui est aujourd'hui prise en considération par les autorités luxembourgeoises», résume justement Samuel Meunier, directeur adjoint de la DREAL Lorraine (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement).
Volontiers taquin ou simplement réaliste, Patrick Want, maire de Rochonvillers (à côté d'Ottange) lance aux responsables de la DREAL à propos de la mise à 2x3 voies jusqu'à la frontière luxembourgeoise: «Préparez tout de suite 4 voies (sous-entendu pour chaque sens, ndlr) pour dans vingt ans!» Le scénario d'une «concession réduite», donc sans péage de Fameck à Luxembourg, verrait le projet se concrétiser en 2041. Celui qui a «abandonné l'A31 depuis très longtemps» pour se rendre à son travail au Grand-Duché se pose, comme beaucoup, une question cruciale: «On fait une 3 voies jusqu'à la porte du Luxembourg... et après?»
«Pas d'opposition de principe côté luxembourgeois»
Samuel Meunier de la DREAL lui répond qu'«un travail conjoint est mené avec les autorités luxembourgeoises pour voir ce qui pourra être fait aussi bien sur l'élargissement côté français que luxembourgeois. Il n'y a pas d'opposition de principe côté luxembourgeois», assure-t-il.
Pour Jean-Claude Thomas, vice-président du CESEL (Conseil économique social et environnemental de Lorraine), «le projet de l'A31bis optimisée est nécessaire». Tout comme la nécessité de «continuer à travailler avec nos amis luxembourgeois».
Même si la DREAL tente bien de vendre le projet étatique en insistant sur le développement parallèle des cadences de TER, du fret ferroviaire et fluvial ou encore l'utilisation multimodale envisagée de la 3e voie débouchant sur le Luxembourg (des études sont en cours), «l'ensemble de ces modes alternatifs ne réduira pas suffisamment le trafic pour garantir la fluidité de l'autoroute. Ce ne seront jamais que 10.000 voitures en moins sur les 80.000 qui circulent aujourd'hui, alors que ça va augmenter de 3.000 par an», estime le représentant du CESEL.
«On ne paie pas deux fois»
L'instauration de sections à péage sur une future A31bis ne plaît pas car «l'usager et le contribuable sont le même payeur. Cela reviendrait à payer deux fois l'autoroute: une fois à travers les impôts et une seconde fois en tant qu'usager», fait remarquer Patrick Weiten. Le président du Conseil départemental de Moselle, se demande si un projet «d'une telle dimension ne doit pas faire appel à un financement européen?»
«Le débat public est un gain de temps et non une perte de temps: il faut associer les citoyens au projet et il faut que les décisions soient légitimes», explique Christian Leyrit (au centre de la table).
Photo: Maurice FICK
«On ne paie pas deux fois. Ce que l'on paiera, ce sont les investissements supplémentaires. C'est une question de répartition entre les différents acteurs», résume Samuel Meunier de la DREAL.
«On annonce ici un scénario de privatisation de l'A31. On va frapper des milliers de Mosellans pour une privatisation de l'autoroute: c'est inacceptable! Il faut s'attendre à une résistance populaire», intervient fermement un porte-parole de la fédération de Moselle du Parti communiste.
Pas de décisions prises de manière technocratique
«L'idée est de faire en sorte que les décisions ne soient pas prises de manière technocratique mais associent l'ensemble des gens qui sont concernés» explique Christian Leyrit, président de la Commission nationale du débat public. L'autorité administrative indépendante en charge de faire participer les citoyens est saisie d'office dès qu'un grand projet est chiffré à plus de 300 millions d'euros.
Son objectif «n'est pas de donner un avis sur le fonds» mais de «vous donner la parole et la faire entendre» au maître d'ouvrage, avait annoncé en préambule du débat, Christian Leyrit.
«Le débat public est un gain de temps et non une perte de temps: il faut associer les citoyens au projet et il faut que les décisions soient légitimes», conclut Christian Leyrit. Mais il sait trop bien, pour avoir sillonner la France des grands projets que «ça ne peut pas aboutir à un consensus».
Un nouveau débat public sera organisé par le CPDP le jeudi 21 mai 2015 au Théâtre municipal de Thionville sur le thème de l'«offre de réseaux de transports et déplacements transfrontaliers».
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